Afrique du sud / Photographie / Lebo Thoka / AUCUNE SOUMISSION A ESPERER

Zo Mag’, 8 July 2021
Au commencement de l’image, il y a une réalité. Permanente, toxique, insupportable, impunie. Un chiffre la résume. En Afrique du sud, une femme sur trois est, ou a été, victime d’agression. Cette violence peut être sexuelle, conjugale; elle peut avoir lieu lors d’une agression, dans la rue ou la montée d’escaliers. Chaque année, plus de 3000 femmes sont ainsi assassinées. La réalité est là. Les manifestations n’y changent rien, la police et la justice demeurent impuissantes.
Au commencement de son travail, Lebo Thaka revient sur ce constat de l’horreur. Diplômée en photographie de l’Open Window Institute de Prétoria, cette jeune photographe (née en 1996) refuse d’appartenir à « une société ouvertement violente qui n’attribue de valeur aux femmes que dans les limites de la race, de la classe, de la religion. » Jusqu’à sa dernière année d’études, elle s’était consacrée à la photographie commerciale. Et puis elle a décidé de prendre la parole.
En 2018, sa première série, « An Ode to Karabo »  retient l’attention de la galerie David Krut, laquelle  lui consacre déjà une expo individuelle. Au travers de ces clichés, pseudos religieux, nourris de l’esthétique vaticane, apostolique et kitsch, Lebo s’en prennent directement à cette église moralisatrice. Le propos est sans ambiguïté. Dans ses mains, la Vierge (noire) ne tient pas un crucifix, mais un balai Wc. Ses saintes en pâmoison sont toutes des femmes au foyer, le dos courbé, les mains liées, soumises et affligeantes. Lebo Thoka le dit sans ambiguïté. Son choix ira aux alternatives, qu’elles soient culturelles, politiques, sexuelles. Tout, plutôt que de rejoindre les « 1 sur 3 », sinistre cortège de la soumission et du martyr!
D’avoir obtenu le Loery awards en 2018, avant d’être exposée sur les plates-formes du Washington post et du New York Times, n’ont d’ailleurs rien enlevé à sa conviction. Le travail aujourd’hui visible à la galerie AKKA (Venise), montée avec le soutien de la galerie David Krut, participe de cette même construction. Comme elle le dit dans ses interviews. « je fais partie d’un mouvement qui pose des briques pour construire un mur. Ce mur est une affirmation pour toutes les femmes et les personnes non binaires, face aux problèmes auxquels nous sommes confrontées. » L’image et le combat ne font que commencer.